La mobilité inclusive ressortira-t-elle grandie du projet de loi d'orientation des mobilités ? De retour en septembre à l'Assemblée après son échec en commission mixte paritaire (CMP), la LOM prévoit, sans moult détails, de faciliter la mise en place de services de cette nature. Déléguée générale d'une association à la pointe du sujet, Wimoov, qui fête bientôt ses vingt ans, Florence Gilbert se réjouit que son article 6 instaure un droit à la mobilité et une compétence d'accompagnement individualisé pour les plus fragiles, "ce qui va permettre d'agir sur les territoires où les besoins ne manquent pas". Et de caresser le doux espoir que ces actions ne reposent plus sur les épaules du seul service public de l'emploi mais soient aussi soutenues par celui des mobilités. Tout en faisant en sorte que le transport soit compris dans sa dimension transversale, à la charnière avec d'autres enjeux : intégration sociale, sécurité routière, quotidien des seniors...
Une cinquantaine de plateformes de mobilité quadrillent l'hexagone dont 27 gérées par Wimoov. Pour bien mailler le territoire cette association, née dans le sillage de la dynamique qui a vu mûrir le covoiturage étudiant (Voiture & co) et s'est inspirée du modèle scandinave des centrales de mobilité, estime qu'il en faudrait des centaines d'autres pour couvrir chaque bassin d'emploi - "322 précisément, soit un investissement de 210 millions d'euros à raison d'environ 600.000 euros par plateforme", chiffre Florence Gilbert. Wimoov fait régulièrement des petits. Dernière née, fin 2018, la plateforme d'Aix-en-Provence, une métropole où la difficulté à relier les lieux de vie, de services et d'emploi est perçue, comme l'explique son directeur emploi et insertion, Laurent Frassati (cité dans le dernier rapport d'activité de Wimoov), "comme une des causes du faible effet d'entraînement de la création d'emploi sur la résorption de la précarité des personnes les plus exclues".
Ce sujet des inégalités face à la mobilité est remonté à la fin 2017 lors des Assises de la mobilité. Il en est ressorti qu'une part importante de la population est "empêchée dans sa mobilité et rencontre des difficultés de motricité, cognitives, économiques, sociales ou culturelles". Ménages sans permis de conduire, dépendance à l’offre publique de transports, habitants des quartiers de la politique de la ville mal reliés aux centres urbains et zones d’emploi, difficultés des seniors… Face à des situations variées, les réponses le sont aussi : prêt de véhicules, apprentissage de la mobilité, transport micro-collectif, micro-crédit pour financer le permis, garage solidaire, transport à la demande… Le modèle économique des structures, généralement associatives, qui proposent ces services à la mobilité à caractère social, reste cependant fragile et les conduit à cibler les actions vers tel ou tel public.
Nul modèle unique donc, chaque plateforme est différente. Certaines orientent les demandeurs d'emploi et/ou les seniors, d'autres également les personnes handicapées. La logique est celle du guichet unique, très ancré localement, proposant des services ciblés en fonction des problématiques de mobilité rencontrées, forcément multiples.
A Sevran, une plateforme structurée par pôles, salariant une dizaine d'employés et que Localtis a pu visiter à la mi-juin, il s'agit par exemple d'aider cet habitant à sortir de l'isolement qui le cantonne à emprunter la même ligne de bus : "Je n'osais pas prendre les correspondances, ni le métro ou le RER ; depuis, cela va mieux, j'ai élargi mon périmètre de recherche d'emploi", témoigne-t-il. Ou de trouver un covoiturage efficace pour aider une jeune femme à rallier chaque matin son centre de formation. L'accompagnement prend diverses formes, avec une entrée depuis peu numérique dans le dispositif et pour la boucle de suivi avec les prescripteurs - missions locales, CCAS, structures d'insertion par l'activité économique (IAE) - qui sont parfois aussi financeurs (Pôle emploi). "Mais derrière, le sur-mesure et l'humain prévalent toujours", rappelle Benjamin Larrousse, responsable d'activités adjoint de Wimoov Ile-de-France.
Un métier fleurit ainsi, celui de conseiller mobilité. Il s'est professionnalisé, avec un socle commun de formation et même un diplôme inter-universitaire. Ce conseiller lève les freins, aide le bénéficiaire à retrouver de l'autonomie, trouve des solutions très concrètes, financières mais pas que, et travaille en amont avec les partenaires prescripteurs et les transporteurs - pas que l'opérateur de bus mais tous sans distinction, de l'auto-école du quartier jusqu'à l'acteur du numérique. Car le numérique peut aussi constituer un frein : "Nous aidons certains bénéficiaires à comprendre les applis mobilité." Quelle que soit l'offre, le but est de la rendre plus abordable, plus inclusive. Et d'acculturer les élus : des livrables et kits leur sont destinés. Aucun territoire n'est épargné : Paris (14e arrondissement) accueillera en septembre sa première plateforme pour la mobilité des personnes en insertion. En Essonne, Évry-Courcouronnes va aussi ouvrir la sienne.
Dans les territoires ruraux, Wimoov amplifie son action. Une expérimentation débute dans la commune nouvelle des Hauts d'Anjou (Maine-et-Loire, 8.700 habitants) pour sonder et démontrer la pertinence d'un modèle économique. Enfin, des innovations sont à relever : à Saint-Gaudens (Haute-Garonne, 11.300 habitants), une plateforme s'implantera cet été… sur une station-service ! Ce "modèle original d'espace d'intermodalité accessible et à fort impact pour les publics visés" a bénéficié de l'appui du département et d'un partenariat avec Total.
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