Avec 120.000 habitants - dont 60.000 habitants à Niort -, le territoire de la communauté d'agglomération du Niortais (CAN) offre l'un des plus grands réseaux de transport collectif en libre-accès de France.
"Notre premier objectif était de permettre l'accès aux transports en commun à tous ainsi que de limiter l'utilisation des véhicules individuels et remplir les bus, souligne l'élu communautaire aux transports et à la mobilité, Alain Lecointe. Parmi les 700 courses quotidiennes en période scolaire par exemple, certains bus voyageaient presque à vide. Autre constat, les gens les plus démunis sont parmi ceux qui paient leur voyage le plus cher en voyageant avec un ticket à l'unité." Partant de ces constats, les élus ont décidé de repenser totalement l’équilibre économique du service. Moins d'un an après le lancement du libre-accès, le réseau de bus enregistre déjà une augmentation de la fréquentation proche de 25%.
"Nous souhaitions passer à la gratuité sans impacter le budget général de la collectivité ni augmenter les impôts des habitants et des entreprises. La vente de titres couvrait seulement 12% du coût du transport, explique l'élu. La réduction du coût d'exploitation passait par une optimisation du réseau. Cette ambition était difficile à mener sous la forme d'une SEM : un partenariat public-privé où la collectivité est actionnaire à 50%." D’où l’intérêt de réfléchir à une autre structure de gestion. "Sous le régime juridique de la délégation de service public (DSP), le délégataire assume une partie du risque financier d'exploitation : son risque est lié aux recettes compensées (issues de la fréquentation réelle) qui doivent représentées au moins 10% de son chiffre d’affaires sinon le contrat peut être dénoncé. Le délégataire est donc naturellement incité à aller chercher de nouveaux usagers." En octobre 2015, la CAN vote deux délibérations : la gratuité des bus avec une expérimentation d'un an et le passage d'un mode de gestion en délégation de service public (DSP) à une société d'économie mixte (SEM) à un mode de gestion en DSP à une entreprise privée
Dès décembre 2015, la collectivité lance une procédure réglementée pour sélectionner un nouveau délégataire en charge du réseau de bus sous forme d'une DSP multimodale. Le cahier des charges prévoit également de développer des modes de transport alternatifs (vélos électriques, covoiturage, voir encadré). Trois candidats présentent un projet. Huit réunions de négociations sont nécessaires pour aboutir à une offre compatible avec le budget et la vision politique de la collectivité. En avril 2017, le nouveau prestataire - Transdev - débute un contrat de 6 ans avec 51 bus mis à disposition par la collectivité. Le délégataire reprend l'ensemble des salariés. La mission des contrôleurs évolue vers la relation client ou le management.
Dans le cas de la gratuité des bus de Niort agglo, la collectivité reverse au délégataire une somme calculée sur la base du nombre réel de voyages réalisés, des cellules de comptage sont mises en place dans chaque bus. L'objectif fixé à Transdev est d'augmenter de 30% la fréquentation des bus sur la durée du contrat. Pour atteindre son objectif, Transdev a émis une série de propositions visant à rendre le réseau plus attractif et efficace. "Des doublons sont supprimés. Le délégataire a proposé de revoir à la baisse la fréquence aux heures creuses, explique le directeur des transports et de la mobilité, Sébastien Forthin. Par ailleurs, la navette a été maintenue pour circuler dans les rues commerçantes du centre-ville qui sont interdites à la circulation. Une nouvelle boucle sera mise en service prochainement sur le secteur de la colline Saint-André (quartier prioritaire de la politique de la ville). Le nombre de lignes urbaines passe de 12 à 7 et l'offre kilométrique a été optimisée sur l’ensemble du réseau ce qui a abouti à une baisse de 15% des kilomètres réalisés. Pour autant, 95% des habitants ont un arrêt à moins de 500 m de chez eux."
En juillet 2017, un nouveau réseau de transport en commun est lancé sous le nom de tanlib. Le réseau urbain qui dessert Niort et les 2 grandes communes limitrophes est complété par 12 lignes péri-urbaines qui desservent 39 communes. Pour 17 d’entre elles, les arrêts et horaires sont tous à la demande. Le transport scolaire proposant une centaine de services quotidiens est également gratuit. Au total, les bus parcourent désormais 3,3 millions de km par an contre 3,9 millions de km par an en 2016. L'évolution de réseau s'accompagne d'un site internet, d’une application, d'un système d'information visuel et sonore embarqué et d'un important dispositif de communication (articles presse, réseaux sociaux, affichage...).
Une première phase d’ajustements du réseau a été réalisée dès janvier 2018 en réponse aux premières demandes émises par les usagers. Une seconde phase est d’ores et déjà planifiée pour la rentrée scolaire de septembre 2018. Elles contribuent à améliorer les tracés, renforcer le cadencement et ajuster les horaires sur les différentes lignes du réseau. La réalisation d’une enquête en mars 2018 et les nombreuses rencontres avec les acteurs du territoire et les usagers - établissements scolaires, associations de parents d'élèves, entreprises, mairies... - ont permis d’affiner les besoins. En septembre 2018, le réseau sera en ordre de marche pour la rentrée scolaire et devrait ensuite connaître une période de stabilité.
Fait original, le réseau intermodal du territoire niortais s'est réorganisé en complémentarité avec le réseau de bus de la région pour l’ensemble des usagers et les trains TER de la SNCF seulement pour les usagers scolaires. "En utilisant cette offre déjà existante sur le territoire, nous évitons la concurrence avec les autres acteurs de transport collectif", témoigne l'élu. Une convention est passée entre la communauté d’agglomération et les deux opérateurs. Résultat : tous les trajets sur le territoire du Niortais sont gratuits pour tous les usagers des cars de la région et pour tous les usagers scolaires des TER, et ce n’est qu’au-delà des limites de l’agglomération que le coût du billet TER ou car régional s'applique. En échange du coût d'exploitation de ces lignes, la CAN rémunère les opérateurs pour les voyages effectués sur leur réseau dans le cadre de conventions.
La collectivité prend à sa charge le coût des abonnements des titres de transports ASR (abonnement de service réglementé), qui sont délivrés par la SNCF aux élèves qui habitent et étudient sur le territoire. "Au lieu d'une desserte de bus, 210 lycéens bénéficient d'une desserte TER. Comme les autres lycéens, le transport est gratuit, explique le directeur des transports. Avant le libre-accès, la collectivité prenait déjà en charge une partie du coût des transports au titre de l'équité territoriale. Les familles contribuaient à hauteur de 46 €/an/élève. Le passage à la gratuité a généré un surcoût d'environ 9.500 euros pour les abonnements, pour un coût total de 130.000 euros versés à la SNCF."
Une convention a également été passée avec la région Nouvelle -quitaine. La CAN lui reverse 1,2 million d'euros dans le cadre d’une convention d’affrètement signée en 2014. A ce titre, les voyageurs (habitants ou visiteurs) bénéficient de la gratuité sur tous les voyages intérieurs au territoire. Au-delà, le billet devient payant.
Au final, le coût de fonctionnement du réseau (contribution financière forfaitaire) revient à 10,5 millions en 2018 contre 11,7 millions en 2016 et 12,5 millions en 2014. A cela, il convient d’ajouter les recettes compensées par l’agglomération au titre de la gratuité, montant qui avoisine 1,6 million pour 2018. Celui-ci correspond à une estimation de la fréquentation qui sera réajustée en fonction des voyages réels issus des dispositifs de comptages automatiques embarqués dans chaque véhicule circulant sur le réseau. L'impact budgétaire de la gratuité est donc minime. La gratuité a eu pour effet d’augmenter la fréquentation sur le réseau de bus de la région, sans surcoût d'exploitation pour la région. "C'est toute l'intelligence de travailler avec des partenaires : la région renforce la fréquentation de son réseau. Sur ces zones où la région est présente, les doublages de l'offre interurbaine ont été supprimés, contribuant à réduire le coût de d'exploitation de Tanlib", commente l'élu aux transports.
Le samedi, le nombre de voyages sur le réseau a doublé. En plus de la hausse de fréquentation des bus déjà constaté, la gratuité a pour effet de redynamiser les commerces de proximité. La gratuité du réseau permet aux salariés d’utiliser les différentes lignes qui convergent toutes vers le centre-ville pendant leur pause méridienne afin de profiter du centre-ville et ses commerces. Cela se traduit par une augmentation de la fréquentation sur le créneau 12h-14h.
Les déplacements depuis les quartiers prioritaires de la politique la ville ont également augmenté. "Le libre-accès a modifié les comportements, commente le directeur des services. Nous constatons une hausse des déplacements."
"Il est trop tôt pour évaluer l'impact de la gratuité sur l'usage de la voiture individuelle. Nous envisageons de lancer une enquête, fin 2019, sur le report modal de la voiture au bus." Contre toute attente, la gratuité n'a pas fait bondir les incivilités. Au contraire, la convivialité dans le bus s'est renforcée. Une campagne de communication informe les passagers qu'ils n'ont plus de besoin de ticket, seulement de dire bonjour au conducteur !
Budget autonome en 2018
Compensation tarifaire au titre de la fréquentation : 1,6 million d'euros par an, représentant environ 0,218 centime d'euros par voyage.
Budget de fonctionnement : 17,2 millions dont 15,3 millions de versement transport (1,05% de la masse salariale des entreprises d’au moins 11 salariés) et 1,8 million de dotation de l'État.
Budget d'investissement : 2,3 millions d'euros.
Développement d'une offre multimodale
Des modes alternatifs de transport sont déployés. La collectivité a acheté 140 vélos électriques pour la location longue durée, avec une offre découverte de 3 mois gratuits. Au-delà, la location est de 40 €/mois ou 360 €/an dont 50% du coût peut être pris en charge par l'employeur dans le cadre de la prime transport employeur. En parallèle, le délégataire a déployé un site de covoiturage, prévu dans le contrat de DSP. Il permet de mettre en relation les usagers mais n'intervient pas dans la transaction financière.
Transdev
Filiale de la Caisse des Dépôts (70%) et de Veolia (30%), Transdev conseille et accompagne les collectivités territoriales, du pré-projet à l'exploitation quotidienne des réseaux de transports publics en passant par l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Avec 83.000 collaborateurs dans 19 pays, le groupe exploite 43.000 véhicules et 22 réseaux de tramway. À Niort, la société emploie 130 salariés.
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