"Du baby-boom au 'mamy-blues', le profil familial des locataires dans les offices est un concentré des fragilités sociales et économiques de la société", lit-on dans un livret que vient de publier la Fédération des offices publics de l'habitat (OPH), intitulé "Les habitant des offices publics de l'habitat, la réalité des chiffres : parlons-en !". Le document de 25 pages est effectivement rempli de chiffres, issus de l'enquête sur l'occupation du parc social (OPS) 2016. La Fédération n'a pas voulu dresser le portrait-robot de son locataire-type, il n'existe sans doute pas. Elle a tenté de faire parler les chiffres, pour donner à voir la vie "réelle" des gens dans son parc d'habitat social.
La publication tombe à point nommé, alors que la Fédération dénonce la réforme engagée par le gouvernement sur les conditions de financement du logement social en France. Réforme qui, selon son président, Alain Cacheux, équivaut à "un coup de massue portée au logement social" (voir nos articles ci-dessous).
Dans une allusion à peine voilée au ministère de la Cohésion territoriale et au ministère de l'Economie, il émet le vœux, en avant-propos de l'ouvrage, que celui-ci montrera "à tous ceux qui ne travaillent pas au contact des locataires, au quotidien, combien il est important que les offices puissent contribuer à remplir leur mission de service public en offrant aux plus modestes ce bien de première nécessité qu'est le logement".
Le livret s'ouvre sur une double-page didactique sur neuf "idées reçues et contre-vérités". Non, les OPH ne sont pas tous situés dans des quartiers difficiles ; non, les locataires HLM ne sont pas tous en impayés...
En l'occurrence, seulement 37% des logements des 256 OPH sont situés en QPV (cette part est de 32% pour l'ensemble des logements HLM). Et si 20% des OPH sont situés en Ile-de-France, ils "sont également présents dans les zones détendues, parfois désertées par les autres bailleurs HLM", note la Fédération. En Limousin, 8 HLM sur 10 sont ainsi des logements des OPH.
Pour ce qui est des impayés, seulement 1,4% des locataires des OPH sont dans cette situation. C'était déjà le cas en 2006. Mais pour parvenir à cette stabilisation, les dispositifs d'accompagnement de l'impayé ont, eux, doublé. Ils touchaient 5,8% des ménages en 2006, ils sont passés à 11,4% en 2015. En 2015, 0,2% des ménages ont fait l'objet d'une procédure d'expulsion (un chiffre qui n'a pas bougé depuis 2006).
Les OPH logent 2,150 millions de ménages représentant 4,9 millions de personnes : 1,4 million de mineurs et 3,5 millions d'adultes. Ils représentent 8% de la population.
41% des ménages locataires sont des familles, dont la moitié sont des familles monoparentales. Plus précisément, 20% des ménages locataires sont des familles composées d'un couple avec enfant(s) et 21% sont des familles composées d'un seul parent (en général la mère) avec un ou plusieurs enfants. C'est symbolique, mais on y est : les OPH logent davantage de familles monoparentales que de familles composées d'un couple avec enfant(s). En 2006, ces parts étaient respectivement de 24% et 19%. Si l'on prend les ménages entrés dans le parc des OPH entre 2014 et 2016, 24% sont des familles monoparentales et 25% des familles avec enfant(s). A titre de comparaison, les familles monoparentales représentent 14,5% des ménages en France.
A côté des familles, les locataires des OPH sont pour 14% des couples sans enfant et pour 41% des personnes seules. Les personnes seules ont gagné 3 points en 10 ans, tandis que les familles en perdaient 2. 15% des locataires des OPH ont plus de 65 ans, ils étaient 13% en 2006.
Six ménages locataires sur 10 ont des revenus d'activité (rémunération d'un emploi stable, d'un emploi précaire ou allocations chômage).
En province, 25% des ménages locataires en OPH ont un revenu mensuel par personne et par mois de moins de 335 euros (revenu d'activité, minimum vieillesse, RSA...)*. 40% ont un revenu compris entre 335 et 1.006 euros**. Avec un seuil de pauvreté fixé à 1.008 euros par personne et par mois, ce sont donc deux tiers des ménages qui, en province, ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Et parmi les ménages entrés dans un logement depuis 2 ans, 1 sur 3 a un revenu "très largement" inférieur au seuil de pauvreté, indique la Fédération sans plus de précision.
Les chiffres France entière ne sont guère différents : "65% des ménages locataires sont proches ou largement en-dessous du seuil de pauvreté", selon la Fédération.
Ce n'est donc pas étonnant que plus de la moitié des ménages locataires dans les OPH perçoit une aide au logement (APL-AL). Pour un peu plus de la moitié de ces bénéficiaires, le revenu total du ménage n'excède pas 800 euros par mois. "Sans l'APL-AL, 50% des ménages locataires ne pourraient pas se loger", affirme la Fédération.
Le loyer moyen est de 365 euros par mois, les charges de 94 euros par mois. Pour une famille monoparentale APLisée par exemple, le taux d'effort avant versement de l'APL-AL est de 38% et de 8% après versement. Il passe de 48% à 16% en moyenne pour une personne seule et de 23% à 8% pour un couple avec enfant(s). Les couples avec enfants, même bénéficiaires de l'APL, ont en effet un revenu moyen supérieur (1.254 euros) à celui des familles monoparentales (750 euros) et à celui des personnes seules (591 euros).
Inversement, il y a des ménages locataires d'OPH dont les revenus sont "supérieurs à ceux exigés pour l'attribution d'un logement HLM". Ils seraient "moins d'un sur 10", indique la Fédération qui ne s'étend pas sur le sujet, "principalement parce que leur situation a évolué depuis leur entrée dans les lieux, mais aussi en raison de l'abaissement en 2009 du niveau de ressources exigé à l'entrée (loi Molle)".
Autre sujet qui irrite la Fédération des OPH : la sous-occupation des logements. D'autant que le gouvernement entend bien mettre la main dessus pour encourager les mobilités au sein du parc mais aussi entre les entrants et les sortants.
De fait, la part des logements sous-occupés est importante. Elle se monte à 7,06% selon la définition qui prévalait avant la loi Egalité et Citoyenneté (LEC) du 27 janvier 2017 (voir notre article ci-dessous), dont 3,8% sous-occupés par des locataires de moins de 65 ans et 3,2% par des personnes âgées. Elle grimpe à 29,6% avec la LEC, dont 18,9% sous-occupés par des locataires de moins de 65 ans et 10,7% par des personnes âgées. 10% des T5 seraient ainsi occupés par une seule personne, 23% des T4 par deux personnes, 39% des T3 par 1 personne... C'est vrai que la LEC a été promulguée depuis moins d'un an, et qu'il faudra un peu de temps pour que les OPH organisent les redistributions pour tendre vers la conformité.
C'est vrai aussi que la nouvelle définition de la sous-occupation se base non plus sur la surface mais sur le nombre de pièces : elle ne prend pas en compte le fait qu'un T3 construit dans les années 60 peut faire 40 m2. Et 40 m2 occupé par une personne, c'est loin d'être scandaleux.
Surtout si la personne est âgée. Car tout le monde convient - même le gouvernement - que "la personne âgée qui a passé sa vie dans son logement a ses habitudes dans son quartier, avec ses voisins, et ne l'imagine pas ailleurs".
D'autre part, des logements sous-occupés dans un territoire détendu, où la vacance est importante, ne dérangeront personne. C'est autre chose lorsque ces logements sont situés en Ile-de-France où la demande en logement social ne cesse de croître. Il faut attendre par exemple deux ans et demi, en moyenne, pour obtenir un logement social en Ile-de-France, alors que dans le Limousin cela tourne autour de 4 mois. La moyenne nationale est d'environ 1 an.
On aimerait bien savoir combien de logements sous-occupés ont pour locataires des personnes de moins de 65 ans, payant un surloyer, dans un territoire tendu. Les données de l'OPS 2016 n'ont sans doute pas encore livrées tous leurs secrets.
*386 euros en Ile-de-France. C'est-à-dire que 25% des ménages locataires en OPH en Ile-de-France ont un revenu mensuel par personne et par mois de moins de 386 euros.
**entre 386 et 1.157 euros en Ile-de-France.
APL HLM : Les architectes ne veulent pas servir de négociateurs dans le bras de fer entre le gouvernement et les HLM
Dans le conflit qui les oppose de longue date aux offices publics de l'habitat, les architectes pensaient avoir partie gagnée avec les articles 27 et 28 du décret du 10 avril 2017 obligeant les OPH, à compter du 1er juillet 2017, à organiser des concours d'architectes pour leurs projets de construction (voir notre article ci-dessous du 13 avril 2017).
Mais aujourd'hui, Catherine Jacquot s'inquiète. "Nous savons que certains responsables du mouvement HLM, dans leurs négociations actuelles avec le ministère de la Cohésion des territoires, souhaiteraient mettre fin à l'obligation du concours d'architecture auquel sont soumis les OPH, mettre fin à la loi MOP [loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, ndlr] et aux procédures qui consistent à choisir un projet plutôt qu'un prix", a indiqué la présidente du conseil national de l'Ordre des architectes dans une interview à Batiactu. Or, "il y va de la survie de nos agences", souligne-t-elle, ajoutant que "ce n'est pas au détriment des architectes que nous allons résoudre les problèmes économiques de la filière du logement social".
Jean-Noël Escudié / PCA
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