Qu’on se le dise, la créativité contractuelle n’est pas l’apanage des juristes de droit privé, comme en témoigne la signature par le Premier ministre ce 9 octobre avec le maire de Toulouse du premier "contrat de sécurité intégrée", nouvel instrument dont on peinait à cerner les contours. Fallait-il y voir les prémices d'une "nouvelle génération" des contrats locaux de sécurité, pourtant confortés par la stratégie nationale de prévention de la délinquance (SNPD) 2020-2024 (v. mesure 32.2) ? La refonte des conventions de coordination entre polices municipales et forces de sécurité de l'État ? Ni l'un, ni l'autre, mais une couche supplémentaire aux millefeuilles.
Ce "contrat stratégique", conclu "à l’échelle des communes" et réalisé "sur mesure" à partir d’un "diagnostic local" – dont on ignore par qui il est posé (celui prévu pour la déclinaison du plan départemental de prévention de la délinquance – v. la fiche 39 de la SNPD ?) – a pour fin de consacrer "l’engagement réciproque de l’État et des collectivités pour la sécurité de tous". En l'espèce, l'État s'engage à déployer 111 policiers supplémentaires à Toulouse d'ici la fin 2021 et la Ville rose à renforcer les effectifs de sa police municipale (100 postes), les zones placées sous vidéosurveillance (100 caméras), mais aussi à apporter aux forces de l'ordre une "aide concrète pour faciliter leur vie" (logement, accueil des familles, etc.). Des engagements concrets, qui contrastent avec "le contenu toujours assez vague des conventions de coordination", souligne Fabien Golfier, secrétaire national de la FA-FPT chargé de la police municipale, qui relève que "l'État est toujours réticent à signer des clauses détaillées, comme des engagements de présence dans certains lieux". D'aucuns pourront toutefois s'étonner de ce que l'État – pour lequel il n'est pourtant "pas question de renoncer à ses prérogatives", comme l'a indiqué le Premier ministre – semble ainsi conditionner le renfort de ses effectifs à un certain transfert de charges, ou du moins à des engagements pour le moins asymétriques.
Toujours est-il qu'en matière de sécurité, le Premier ministre a clairement opté pour la haute-couture et la différenciation vantée par ailleurs, lui qui avait déjà annoncé en juillet dernier des mesures spécifiques à la métropole niçoise (à une époque où la formule du "contrat de sécurité intégrée" n'avait pas encore été inventée). S'inscrivant peut-être en cela dans les pas de son prédécesseur qui, dans l'édito de présentation de la Stratégie nationale précédemment évoquée, soulignait qu'une "large place" était "faite à l'initiative locale et au droit à l'expérimentation".
Pour le "prêt-à-porter" – entendre le projet de loi relatif au continuum de sécurité –, on pensait en revanche devoir encore patienter. À Nice, Jean Castex avait en effet annoncé que le gouvernement allait "rapidement engager une expérimentation sur l'extension des compétences de la police municipale, dont les enseignements viendront nourrir des dispositions législatives à venir". Sans prendre en compte le "rapidement" du lancement, la simple durée de l'expérimentation (un an ? davantage ?) et celle de son analyse ne laissaient guère d'espoir de voir émerger un texte avant la fin du quinquennat.
Un calendrier qui a peut-être conduit le Premier ministre à changer son fusil d'épaule. Jean Castex a en effet déclaré à Toulouse que le gouvernement soutiendra la proposition de loi Fauvergue-Thourot déposée en décembre dernier, confirmant ainsi les déclarations de son ministre de l’Intérieur tenues à l’Assemblée nationale le 29 septembre dernier ("si l'Assemblée nationale met à l'ordre du jour – je crois que cela peut arriver dans les prochaines semaines – la proposition de loi, le gouvernement y donnera un avis favorable"). Or, si ladite proposition ne reprend pas l’intégralité du rapport des mêmes auteurs, elle prévoit néanmoins de mettre en œuvre un certain nombre de ses dispositions, et notamment celles visant à étendre le spectre d’intervention des policiers municipaux, comme l'a d'ailleurs rappelé le Premier ministre lui-même. À quoi bon, dès lors, expérimenter des mesures qui auront déjà été consacrées par la loi ?
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