La RSE (responsabilité sociale -ou sociétale- des entreprises) est définie par la Commission européenne1 comme "un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes". Dans ce cadre, les entreprises ne se contentent donc pas de satisfaire à leurs obligations à l’égard de la société et de la planète, elles vont au-delà, dans une logique de développement durable. Aujourd’hui, 43 % des entreprises développent une stratégie RSE au sein de leur modèle d’affaires2. Les LegalTechs, quant à elle, sont 30,3 % à déployer une politique RSE (versus 25,3 % en 2020).
Bien souvent, les considérations RSE sont intégrées par les LegaTechs dès leurs premiers pas. Plus rarement certaines start-up vont plus loin et saisissent les opportunités offertes par la loi Pacte de se doter d'une raison d'être, voire de devenir une entreprise à mission. C’est le parti-pris d’Octolo, qui digitalise le secrétariat juridique des entreprises et des bailleurs sociaux (via Octolo Habitat). Sa raison d'être, inscrite dans ses statuts, est de simplifier la tenue du secrétariat général et de fluidifier les relations entre les parties prenantes, tout en générant un impact social, sociétal et environnemental positif et significatif dans l'exercice de ses activités. « Il est plus facile de prendre des bonnes habitudes dès le départ, estime Inès Hamy, présidente d’Octolo. Être une entreprise à mission constitue un engagement fort, ne serait-ce que parce que ce statut est relativement lourd et contraignant (contrôle par un organisme tiers indépendant tous les deux ans…). Même si le chemin est compliqué, il est nécessaire et vital pour l’avenir. Néanmoins, il me semble que ce chemin est plus facile à emprunter pour une petite entreprise, agile et adaptable, que pour les plus grands groupes. »
« Notre petite taille, associée à la motivation de nos collaborateurs, constitue un avantage pour mettre en place facilement des mesures, confirme Louis Larret-Chahine, cofondateur de Predictice, plateforme de recherche et d'analyse juridique. Nous avons tous à cœur de contribuer à construire un monde plus transparent et plus durable. C’est un projet auquel les collaborateurs adhèrent pleinement. »
D’ailleurs, c’est probablement sur la marque employeur des LegalTechs que leur engagement RSE a le plus d’impact. « L’argument RSE est porteur auprès des candidats et salariés, pour lesquels avoir un impact positif revêt une importance particulière, reconnaît Inès Hamy. Il peut représenter un facteur rassurant dans la jungle des start-up. » Louis Larret-Chahine ajoute : « nos actions représentent sans conteste un atout pour attirer des candidats et fidéliser nos talents. » « La RSE peut être une réponse à la quête de sens de certains collaborateurs », confirme Thomas Saint-Aubin, cofondateur et CEO de Seraphin.legal, solution de gestion de contrats.
En revanche, l’argument RSE semble moins prépondérant auprès des clients. « Le rapport qualité / prix prime sur les autres considérations, affirme Louis Larret-Chahine. Ce n’est pas l’éthique qui fait vendre. » Inès Hamy complète : « dans les appels d’offres, les critères RSE sont peu valorisés ; peu de points y sont accordés. L’argument RSE peut éventuellement faire pencher la balance, si et seulement si tous les fondamentaux sont cochés par ailleurs. »
Manon Filhol, responsable RH et RSE chez Data Legal Drive, logiciel RGPD, se veut plus optimiste. « La RSE correspond à une demande réelle de nos partenaires, clients et fournisseurs, souligne-t-elle. Les critères RSE, de plus en plus fréquemment intégrés aux appels d’offres, peuvent parfois faire la différence. La RSE est devenu un enjeu fondamental pour une majorité de grands groupes. »
L’argument RSE ne semble pas non plus différenciant pour les fonds. « Les investisseurs ne recherchent pas, sauf cas très spécifiques, des entreprises à impact mais des sociétés financièrement saines et attractives, constate Thomas Saint-Aubin. Il existe un réel écart entre les discours de la planète finance et la réalité ! ». L’entrepreneur déplore également le manque de soutien de l’écosystème. « Développer une stratégie en matière de RSE représente un investissement en temps et en argent, ajoute Thomas Saint-Aubin. Pour amortir quelque peu ce coût, nous avons obtenu une subvention de la région Île-de-France mais les coups de pouce pour encourager les entreprises sur cette voie sont trop rares. »
Les produits mis à disposition par la LegalTech représentent, en eux-mêmes, une réponse aux enjeux RSE des entreprises. Ils permettent en particulier de tendre vers le zéro papier, de limiter les déplacements ou encore de respecter la conformité à la législation. Par ailleurs, dans le cadre d’activités pro bono, les LegalTechs œuvrent à démocratiser le droit. Par exemple, Seraphin.legal simplifie l'accès au droit pour les particuliers avec une collection d’outils mis à disposition sur lornadiscute.fr. Quant à Data Legal Drive, les équipes aident gratuitement certaines associations à but non-lucratif dans la mise en place du RGPD.
Mais, communiquer sur ses engagements RSE est délicat, car les entreprises craignent d’être taxées de "RSE washing" (c’est-à-dire utiliser des arguments RSE souvent trompeurs pour se donner une bonne image sur le marché). C’est pourquoi certaines entreprises optent pour la labellisation, voire la certification. Seraphin.legal a fait le choix de se faire évaluer par un tiers, EcoVadis. Médaillée d’argent lors de sa première évaluation en 2019, la LegaTech a décroché la médaille d’or en juin dernier. Cette distinction est accordée aux entreprises ayant obtenu un score global supérieur ou égal à 75/100 en RSE. « Nous pouvons partager notre fiche RSE avec nos parties prenantes, apprécie Thomas Saint-Aubin. Mais, surtout, nous pouvons capitaliser sur les résultats détaillés de l’évaluation et des recommandations associées pour nous inscrire dans une logique d’amélioration continue et piloter de manière précise nos progrès. Nous avons encore du pain sur la planche en matière de reporting, de diversité ou encore de transparence sur les invitations et cadeaux d’affaires. Face à l’ampleur de la tâche, nous restons modestes et avançons étape par étape. »
Quant à Data Legal Drive, la LegalTech s’est mise en ordre de marche pour décrocher la norme ISO 26 000 relative à la RSE à l’horizon 2023 – 2024. « Il s’agit d’une norme très exigeante, nécessitant un travail collectif qui doit être porté par la direction, précise Manon Filhol. Mais, cette exigence permet de rendre concrète notre politique RSE et de la faire vivre dans l’entreprise au quotidien. J’ai été formée à la RSE afin de me doter de bases solides pour construire la politique RSE de Data Legal Drive, puis pour lancer les démarches d’audit. » Par ailleurs, l’entreprise a obtenu le label Best Workplace Experience de Speak & Act. « Cette certification, gage d’une expérience collaborateur positive, constitue une réelle satisfaction alors que nous avons multiplié l’effectif par trois en 2021 », conclut-elle.
1 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:52011DC0681
2 https://www.mazars.fr/Accueil/Insights/Publications-et-evenements/Etudes/Etude-Barometre-RSE-2022
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