Le chantier de décommissionnement du cuivre s'apprête à accélérer avec la fermeture commerciale de plus de 200.000 locaux sur 162 communes début 2024 (le lot1). Ceux qui dépendent encore du cuivre auront un an pour trouver une solution alternative, le lot 2 marquant en 2025 une nouvelle accélération avec 950.000 locaux dans 829 communes. Or les premières expérimentations, dont le bilan définitif est paru début octobre et que Localtis a pu consulter, soulèvent des interrogations. A l'occasion d'un webinaire organisé par l'AMF et l'Avicca le 11 octobre 2023 avec toutes les parties prenantes du dossier, les élus ont fait l'inventaire des difficultés.
Le premier manque concerne le portage du dossier. Il s'avère en effet qu'Orange, propriétaire du réseau cuivre et maître des horloges, et l'Etat, qui décide des règles, se renvoient la balle sur la communication. Du côté des élus, on regrette "l'absence de structure nationale" et de point d'entrée unique au niveau de l'Etat, problème aussi remonté par le bilan des expérimentations (voir ci-dessous). Car de fait, le dossier est partagé entre l'Arcep, qui cadre le chantier et joue l'arbitre, la délégation générale aux entreprises (DGE), qui coordonne la communication et gère les aides à la connexion, et l'Agence nationale pour la cohésion des territoires pour la concertation locale. Pour le moment la communication s'est cependant limitée à une FAQ de l'Arcep et à l'envoi de courriers estampillés de la Marianne pour expliquer le projet. Une initiative jugée "insuffisante" par les élus qui n'ont pas manqué de rappeler le souhait exprimé voici un an, et resté sans suite, de voir la création d'une structure nationale unique "neutre", portant la totalité du projet. Une communication d'autant plus importante que les arnaques se multiplient dans les communes sélectionnées pour le décommissionnement. La DGE promet cependant l'ouverture d'un site internet en novembre.
Au niveau local, la gouvernance repose sur les comités de suivi locaux de l'aménagement numérique, placés sous l'égide des préfets, créés par une circulaire de 2021. L'ANCT a précisé que plus d'un tiers des préfectures avait déjà organisé au moins un comité de suivi local, une cinquantaine de comités étant prévus pour 2023, contre une vingtaine en 2022. Des comités qui traitent de la fermeture mais aussi de la qualité de service du cuivre ou des problématiques de déploiement de la fibre. La concertation avec la population est en revanche pilotée aujourd'hui directement par les communes. Celles-ci ont été outillées d'un kit de communication fourni par la Fédération française des télécoms comprenant article type, vidéo, infographie et flyers. Ce kit fait l'objet d'une nouvelle version qui sera envoyée prochainement aux communes du lot 2. Cette communication se révèle cependant désordonnée, "artisanale" de l'aveu même des communes expérimentatrices. Le bilan suggère du reste de coordonner les réunions publiques à l'échelle intercommunale ou départementale et de les démultiplier en recourant à la visioconférence. L'information des élus des communes a pour sa part fait l'objet d'une information spécifique, via une plaquette coéditée par l'AMF et l'Avicca, baptisée "L'essentiel pour les maires concernés". Un document qui rappelle le contexte, le calendrier et traite des cas particuliers.
Car les expérimentations ont montré l'existence de multiples cas particuliers. Beaucoup d'entreprises et de collectivités ont par exemple plusieurs lignes de cuivre, certaines étant imposées par la réglementation. Un arrêté du 11 septembre 2023 a cependant assoupli les obligations des établissements recevant du public (ERP). Pour les salles des fêtes de moins de 300 personnes, l'obligation d'avoir une ligne fixe (cuivre) est remplacée par la nécessité d'avoir un téléphone mobile fonctionnel. Il existe par ailleurs des "lignes exotiques" comme celles reliant les stations météo, les châteaux d'eau ou encore dans les transports. Les communes ont été invitées à les identifier et à trouver des solutions alternatives, l'arrêt de leur fonctionnement pouvant engendrer des désordres.
La correspondance entre raccordement fibre, associé à la notion d'adresse, et abonné cuivre est aussi à améliorer, sujet sur lequel l'Arcep planche. Certaines adresses, comme les maisons de retraites, peuvent par exemple être considérées par l'opérateur d'infrastructure comme une seule adresse alors qu'il y a des dizaines d'abonnés cuivre pour lesquels il faut trouver une alternative. Le cas des résidents secondaires a aussi été évoqué : ils pourraient constituer un gros contingent des "refus de tiers" en préférant se contenter d'une connexion mobile plutôt que de souscrire un abonnement à la fibre. Ces "refus de tiers", une catégorie fourre-tout, représentent au total 10% de lignes n'ayant pas migré à la date de fermeture technique dans les communes expérimentatrices. Ils restent une source d'inquiétude pour des élus qui ont rappelé leur attachement à une complétude des déploiements de la fibre au plus proche des 100% et un recours aux technologies hertziennes limité à des cas "exceptionnels" dûment motivés. La question des offres sociales, avec le téléphone uniquement, de même que la mise en place du service universel a également été soulevée. La DGE a déclaré "y travailler".
A Voisins-le-Bretonneux (78), Provin (59), Issancourt-et-Rumel, Vrigne-aux-Bois, Gernelle et Vivier-au-Court (08), le cuivre a été définitivement fermé en mars 2023. Au total 12.500 locaux étaient concernés par ces expérimentations. -Une migration des quelque 4.000 abonnés au cuivre vers la fibre qui s'est accélérée dans les deux derniers mois et qui s'est révélée plus facile dans les petites communes, où la fibre venait d'arriver, que dans les grandes. Les coupures de réseau ont aussi appelé les abonnés cuivre à accélérer leur migration. -Un nombre d'abonnement actifs résiduels (refus de tiers) moyen de 10% au terme de la fermeture technique du réseau, contraints donc de se tourner vers une alternative hertzienne, -L'échange de données entre opérateurs d'infrastructures et commerciaux s'est révélé essentiel, notamment pour identifier les lignes "exotiques" et repérer les problèmes d'adressage, Dans les recommandations on notera : - Créer un site internet national et une plateforme pour organiser les réunions publiques qui gagneraient a être coordonnées par les EPCI ou le département ; - Communiquer différemment en fonction des cibles, et notamment vers les entreprises ; - Mettre en place un financement de l'Etat pour la partie privative des raccordements FTTH et clarifier la notion de raccordement complexe ; -Transmettre aux collectivités les adresses des abonnés cuivre restants pour faciliter la communication institutionnelle ; -Rester sur un calendrier unique : si une commune présélectionnée n'est pas prête, il est suggéré de la passer dans le lot suivant et de ne pas faire de sur-mesure. |
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFonaKmXZnCbq%2FUoq2rnV2ZsrR5xLGnnqqZorKvwMCtoKimo2K%2BtrWMrKysm5mpsq%2FAjJucmq2TpMKxecOeZKqtlajBqrvNrA%3D%3D