C'était l'épreuve de feu "Jeunesse" du nouveau ministre de l'Education nationale. Ce dernier s'exprimait ce 29 juin devant l'assemblée plénière du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ). Installée en janvier dernier par Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, l'instance réunit de façon large les acteurs associatifs et institutionnels de la jeunesse, de l'insertion et de l'éducation populaire (treize ministères représentés autour du délégué interministériel à la jeunesse, six représentants de collectivités, les porte-paroles d'organisations de jeunes et d'usagers, de missions locales ou encore de syndicats).
Ces acteurs de la jeunesse ont plutôt été habitués, ces cinq dernières années, à être choyés par l'exécutif national, entre une "priorité Jeunesse" fortement portée par l'ancien président de la République et un ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports déchargé en partie des volets "Ville" et "Sports" du fait de la présence de deux secrétaires d'Etat pendant l'essentiel du quinquennat.
Avec l'attribution du portefeuille "jeunesse et vie associative" à Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, les associations et les administrations dédiées aux jeunes pressentent que leur nouvel interlocuteur gouvernemental aura moins de temps à leur consacrer. Mobilisé sur des réformes d'ampleur telles que le dédoublement des classes de CP dans les réseaux d'éducation prioritaire dès la rentrée 2017, ce nouveau ministre aura-t-il au moins la volonté d'être dans le dialogue et de tracer une voie pour les politiques de jeunesse ?
"La jeunesse et la vie associative seront au cœur de notre action", a d'emblée tenu à assurer Jean-Michel Blanquer. Soulignant l'"immense cohérence [de ces thématiques] avec le portefeuille de l'Education nationale", le ministre a toutefois dit avoir compris la "déception" de ceux qui attendaient que le mot "Jeunesse" figure dans un intitulé ministériel, justifiant ce choix par la volonté du président de la République et du Premier ministre de s'appuyer sur un "gouvernement restreint" et de mettre fin à l'"inflation sémantique".
C'est pourtant à travers une série de mots bien choisis que le ministre en charge de la jeunesse et de la vie associative a qualifié la philosophie et la méthode de la politique qu'il souhaitait impulser : "engagement", "confiance", "contagion positive", "intelligence collective", "responsabilisation" ou encore "travail d'équipe", "union et esprit constructif". Des mots et quelques vastes questionnements destinés à imprimer une approche - "comment est-ce qu'un monde de plus en plus technique peut devenir de plus en plus humain ?".
Devant une assemblée composite, l'ancien directeur de l'Essec n'a pas manqué de revendiquer la dimension interministérielle des politiques de jeunesse : "mon rôle est de la faire vivre", a considéré le ministre, citant notamment l'enseignement supérieur, la culture, la santé, le handicap et les armées.
Sur le fond, Jean-Michel Blanquer a donné quelques indices des orientations qu'il souhaitait privilégier. Avec, là encore, des mots clé : la "continuité de l'action de l'Etat". Le ministre a pu ainsi découvrir le "caractère central" du service civique dans le budget Jeunesse et vie associative dont il héritait. "Nous devons poursuivre de manière résolue la montée en charge du service civique", a-t-il indiqué, qualifiant le dispositif de "grand sujet de consensus national" et soulignant son "utilité" pour les jeunes et la société.
Jean-Michel Blanquer souhaite mobiliser fortement le volontariat de service civique dans la lutte contre le décrochage scolaire, notamment dans le cadre des futures études dirigées permettant aux élèves de faire leurs devoirs à l'école. "On aidera la jeunesse en l'aidant à nous aider", a glissé le ministre, toujours dans l'idée de définir un certain "état d'esprit". Par un développement "quantitatif" mais aussi "qualitatif", le service civique devra aussi contribuer à bâtir cette "société de confiance", entre les âges et les cultures en particulier, que le nouveau ministre appelle de ses vœux.
Pour "favoriser l'autonomie des jeunes", le ministre de l'Education nationale a énoncé trois axes : la "lutte contre le non-recours aux droits sociaux, la territorialisation des politiques de jeunesse et la mise en synergie des acteurs". Là encore, la continuité est de mise puisqu'il s'agirait de conforter des actions et expérimentations mises en œuvre pendant la précédente mandature et pour certaines inscrites dans la loi Egalité et Citoyenneté : le renforcement de l'information et de l'aide à l'orientation, notamment à travers la "redynamisation" du réseau Information Jeunesse (voir notre article du 24 avril 2017), la poursuite de l'expérimentation de la boussole des droits, l'idée de faire évoluer la Journée défense et citoyenneté, la volonté de "développer l'esprit de participation et de responsabilisation" des jeunes et le développement du "dialogue structuré". L'occasion aussi, pour lui, d'encourager la "vie associative", à l'"importance fondamentale" et "déjà tonique", mais qu'il entend aider à "aller encore plus loin".
Le ministre s'est dit de façon générale favorable à l'expérimentation et désireux de "travailler" à l'avenir du fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ). En attendant, il aurait d'ores et déjà plaidé auprès du commissaire général à l'investissement pour le maintien d'un volet "jeunesse" dans le troisième Programme d'investissements d'avenir (PIA 3).
Si ces propos sont "rassurants", attention à ne pas céder à l'"angélisme", a commenté Manuel Gresillon, président de l'Union nationale de l'information jeunesse, après le départ du ministre. "Il faut être positif, c'est clair, mais on sait aussi que ce n'est pas gagné", a-t-il poursuivi, résumant probablement assez bien le sentiment général.
En attendant les arbitrages budgétaires de l'automne, le COJ est entré lors de cette deuxième réunion plénière dans le vif de ces travaux. Son programme de travail a été élaboré au sein de deux commissions thématiques. Dans le cadre de la commission dédiée à l'éducation populaire, deux groupes de travail ont commencé à plancher sur deux sujets : "globalité et continuité éducatives" et "des initiatives citoyennes au pouvoir d'agir". Quant à la commission centrée sur l'insertion des jeunes, elle a constitué quatre groupes thématiques : "autonomie et droits sociaux", "sécuriser et fluidifier le parcours d'orientation", "discriminations dans l'accès au monde du travail" et "repérer et mobiliser les jeunes pour faciliter leur insertion".
Enfin, pour que ces séances plénières soient davantage que de traditionnels débats entre experts et pour permettre à ces mêmes experts de continuer à s'imprégner du vécu des jeunes eux-mêmes, le COJ entend solliciter régulièrement des témoins. Ce 29 juin, cinq jeunes aux situations très diverses - dont un jeune diplômé en situation de handicap, une jeune femme arrivée en France alors qu'elle était mineure ou encore une créatrice d'entreprise exerçant dans un territoire rural - ont ainsi raconté leur expérience.
"Ce croisement est essentiel", a considéré Valérie Dumontet, vice-présidente du département de l'Aude, représentant l'Assemblée des départements de France. "On a les outils pour agir différemment", a souligné l'élue, appelant à "continuer dans cet esprit-là au sein du COJ".
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